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mercredi 18 février 2015

Soutenir la Grèce du 25 janvier 2015 pour empêcher les lendemains qui déchantent

Beaucoup de voix à gauche et dans les syndicats, en Europe, et notamment en France, y compris à la CGT, ont tenu à exprimer leur satisfaction au vu des résultats des élections en Grèce le 25 janvier dernier, qualifiés, peut-être un peu précipitamment, de « victoire historique » et de « fin de la troïka ».

Certes, le peuple grec a balayé par son vote le gouvernement et les partis qui relayaient directement l’Union Européenne contre lui. Rappelons cependant l’abstention d’un tiers des inscrits (les grecs émigrés ne votant pas) et le fait que Tsipras n’a qu’une majorité relative. D’autre part, le parti néonazi Aube dorée devient le troisième parti grec, avec 6,28 % des suffrages, obtenus à l’issue du scrutin législatif, dimanche 25 janvier 2015.

Un scrutin qui, à l’évidence, ne suffit pas à rassembler une majorité suffisante du peuple en force active contre la pression ininterrompue des États, des banques et de l’Union Européenne qui ne savent qu’exiger toujours plus des peuples et ne lâcheront pas si facilement leur proie grecque. L’alliance pour le moins insolite de la carpe et du lapin, en l’occurrence de Syriza (assemblage hétéroclite « anti-austérité » de diverses organisations de la gauche radicale) et de l’ALEN, parti nationaliste et ouvertement homophobe (« de l’Europe des Nations à l’Europe des pédés… »), raciste et antisémite, laisse augurer des lendemains qui pourraient ne pas tarder à déchanter.

L’internationale des prédateurs

L’Union européenne est d’autant moins portée à l’écoute des classes laborieuses grecques que le « front social » s’agite tout autour de la Grèce, en Bulgarie, au Kosovo, en Bosnie, en Albanie et en Macédoine.

Autre enjeu : le projet chinois de construction d’une voie ferrée entre Le Pirée et les capitales de l’Europe centrale.

Concernant la Grèce, les puissances financières ont clairement et récemment claironné leurs exigences, y compris au cours du récent voyage de Tsipras aux USA. « M. Tsipras doit payer, ce sont les règles du jeu, il n’y a pas de place pour un comportement unilatéral en Europe, ce qui n’exclut pas un rééchelonnement de la dette. S’il ne paye pas, c’est un défaut de paiement et une violation des règles européennes. » (The World Street Journal 26/01/2015)

Benoît Coeuré, membre français au conseil de la BCE, a déclaré : « Si Tsipras ne paie pas, il y a défaut de la Grèce et violation de la loi européenne. »

Steffen Seibert, porte parole d’Angela Merkel a déclaré quant à lui : « Nous croyons que la Grèce a accepté des termes qui ne disparaissent pas de la table après les élections », et le ministre des finances allemandes, Wolfgang Schäuble : « Il y a des règles, il y a des accords, quiconque comprend ces choses, connaît les chiffres et connaît la situation. »

Christian Eckert, notre ministre du budget a affirmé le 28 janvier devant la représentation nationale : « La France n’abandonnera pas ses créances vis a vis de la Grèce et se mettra d’accord avec les autres créanciers sur les taux d’intérêts et l’échelonnement des remboursements grecs !  »

Le 5 février 2015, outrepassant ses prérogatives et bafouant le choix démocratiquement affirmé du peuple grec, la Banque centrale européenne (BCE) décide quant à elle de fermer les sources de liquidités aux banques grecques : « M. Tsipras va devoir comprendre encore plus vite le peu de marge de manœuvre dont il dispose et la nécessité, pour lui, de respecter les engagements de son pays vis-à-vis de ses partenaires européens ».

Autrement dit, les prêts garantis aux prêteurs français, banques, entreprises, particuliers pour toutes leurs opérations touristiques, militaires, de loisir, de construction, etc. en Grèce ou à partir de Grèce devront être intégralement remboursés par l’État grec, responsable de ses opérateurs nationaux.

Sans une mobilisation active et massive des travailleurs et des victimes de l’austérité imposée par l’Union européenne et le FMI au peuple grec, la coalition au pouvoir risque de rencontrer très vite des déboires. L’Histoire nous apprend en effet que seules les révolutions ou les transformations sociales radicales permettent la suppression de la dite dette publique (révolution bolchévique de 1917 et non remboursement de l’emprunt russe à la France, par exemple).

Pour mémoire, la Grande Bretagne vient seulement de finir de rembourser en 2011 sa dette publique contractée vis a vis des USA pendant la guerre 14-18.

Les USA ont « concédé » l’aménagement des dettes françaises et anglaises, en 1945, en échange de l’abandon de leurs propres espaces monétaires coloniaux. C’est le contenu économique des « décolonisations » britanniques de 1945-47 et de celles de 1958 pour la France gaulliste. Le dollar devenant alors l’intermédiaire commun à toutes les « monnaies géographiques ».

La nécessaire mobilisation des travailleurs grecs face au grand écart

Il s’agit à présent pour les travailleurs grecs de s’organiser et de se mobiliser activement afin de transformer l’essai du 25 janvier en mettant la pression au maximum sur le nouveau gouvernement pour qu’il ne renonce pas aux objectifs affichés qui l’ont porté au pouvoir, et aussi de se préparer à une lutte sans merci contre toutes les forces nationales et internationales du capital qui sont d’ores et déjà liguées contre le peuple grec.

Syriza, lié au mouvement syndical grec (la GSEE, notamment) est un parti de coalition constitué de divers courants idéologiques des gauches s’affichant comme « radicales ». Cette coalition comprend Synaspismos, héritier du parti communiste grec de l’intérieur (eurocommuniste), la Gauche ouvriériste internationaliste (Diethistiki Ergatiki Aristera, DEA), DEA (Gauche ouvrière internationaliste « trotskyste ») et l’Organisation communiste de Grèce (Kommounistiki Organosi Elladas, KOE, maoïste) ainsi que d’autres petites formations sans compter quelques ralliés du PASOK et les écologistes. Elle s’est transformée en parti politique en 2013 pour des raisons techniques. Quant au parti communiste « KKE », il a rejeté toute perspective de coopération avec SYRIZA, refusant de faire partie de la majorité. Au contraire il a appelé les électeurs à voter contre « les illusions d’un changement politique dans le cadre de l’UE et du capitalisme ».

Dans ces conditions, il est peu probable que l’unité circonstancielle de Syriza puisse être durable à plus ou moins long terme. Syriza a évolué de quelques pour cents à presque cinquante pour cent en quelques années seulement ; mais sa composition hétérogène ne lui permettra sans doute pas de résister plus de quelques mois à l’exercice du pouvoir face à l’internationale des prédateurs (BCE, FMI, UE).

En effet, malgré sa victoire lors des législatives du 25 janvier 2015, le leader de Syriza, Aléxis Tsípras, a manqué de deux élus la majorité absolue, n’obtenant que 149 sièges sur les 300 du Parlement. Syriza et les indépendants (ANEL), eurosceptiques sulfureux ultranationalistes, lesquels ont obtenu 4,75% des voix et 13 députés, ont annoncé qu’ils allaient former une alliance pour s’assurer la majorité au Parlement grec et former un gouvernement.

Mais qu’est-ce que l’ANEL (Parti des Grecs indépendants) et qui est ce Panos Kammenos, le dirigeant de l’ANEL ?

Si les médias se sont intéressés au parcours de Syriza et de son charismatique dirigeant Alexis Tsipras, qui fut le candidat de la gauche « radicale » pour la présidence de la Commission européenne, ceux-ci ont découvert sur le tard le petit parti des Grecs Indépendants (ANEL) fondé par Panos Kammenos au cœur de la crise économique et financière hellène.

Dissident de Nouvelle Démocratie (droite), le parti du premier ministre sortant conservateur Antonis Samaras, Panos Kammenos n’est pas un nouveau venu. Il a été élu député à neuf reprises, essentiellement sous les couleurs de Nouvelle Démocratie. C’est en 2012 qu’il rompt avec sa formation politique pour dénoncer sur sa page Facebook le « diktat » de l’Europe et les plans d’économies drastiques imposés à Athènes contre un soutien financier.

Nationaliste forcené, foncièrement anti-européen et anti-euro, le parti de Panos Kammenos siège au Parlement européen (où il dispose d’un siège) avec les troupes de David Cameron et s’affirme en France comme un allié résolu de Nicolas Dupont-Aignan, le président nationaliste de Debout la France. Les liens entre les deux formations sont d’autant plus forts que Panos Kammenos a fait une partie de ses études à Lyon et parle donc couramment le français.

Mais contrairement à son homologue français, soucieux de ne pas verser dans les excès du Front national, le dirigeant d’ANEL a développé une rhétorique particulièrement offensive contre l’immigration. Adepte de théories complotistes, Panos Kammenos cible non seulement la Troïka mais aussi la presse et « la globalisation » :
« Contre nous, on a les médias, on a les gros journaux, on a tous ceux qui financent les partis politiques, on a les banquiers, on a la globalisation  », martelait-il, tout en dénonçant pêle-mêle « les consortiums grecs et étrangers » et « les ordres de la Troïka qui donnent des lois aux ministres que le Parlement ne vote même pas » (2013 lors d’un meeting de soutien à Debout la République).

Coutumier des dérapages, Panos Kammenos s’est notamment illustré en affirmant que les Juifs ne payaient pas d’impôts contrairement aux autres citoyens. Une déclaration antisémite finalement démentie par un ministre conservateur. On mesurera toute la saveur des élucubrations de Panos Kammenos alors que ce personnage s’est avéré atteint lui aussi, comme d’autres en France, de « phobie administrative » : le fisc grec a découvert qu’il n’avait pas déclaré la propriété d’un yacht et avait omis de s’acquitter de ses impôts.

En décembre 2014, la députée ANEL Stavroula Xoulidou, publiait un essai historique dans lequel elle estimait que « les sentiments anti-grecs des Britanniques et des Américains étaient propagés par le Mouvement mondial sioniste ».

Sur la question de l’immigration, pour les élections du 25 janvier, le parti des Grecs indépendants (ANEL) a mené une campagne violemment xénophobe et raciste, tendance bleu-marine, ce qui lui permet de se démarquer du parti néo-nazi Aube dorée.

Alors, quel rapport entre ANEL et Syriza ? Aucun, ou presque.

Alors que Syriza prône une généreuse politique d’immigration, les Grecs indépendants exigent un contrôle des frontières. Le grand écart !

Reste leur lutte commune contre l’austérité.

Les deux partis réclament au minimum un moratoire sur le remboursement de la dette, voire l’effacement pur et simple d’une partie de l’ardoise grecque. C’est ce seul et unique agenda commun qui a conduit les deux partis à une « collaboration minimaliste ». C’est précisément ce qu’il s’est déjà produit lorsque les Grecs Indépendants ont refusé de participer à la désignation du président grec, précipitant les législatives anticipées remportées le 25 janvier par Syriza. C’est bien ce qui pourrait se reproduire dans les semaines à venir et déboucher sur de nouvelles élections à moyen terme !

La nécessaire mobilisation vigilante des travailleurs grecs
et la tout autant nécessaire solidarité active des peuples européens avec le peuple grec

Sans une mobilisation immédiate et massive des travailleurs grecs et de leurs organisations syndicales et sans l’intervention des travailleurs et des peuples européens aux côtés du peuple grec, l’essai du 25 janvier risque de se transformer en cauchemar et engendrer un cortège de déceptions, de frustrations et de désespoir qui feront le lit du fascisme, c’est-à-dire, des néonazis d’Aube dorée qui attend, non pas dans l’ombre, mais au grand jour son heure.

La nécessaire solidarité passe par la lutte de tous les peuples européens, et pas seulement ceux de l’Europe du Sud, mais aussi ceux de l’Europe du Nord, et en particulier les Allemands et les Français, contre les politiques d’austérité et ceux qui en sont responsables.

Pour ce qui nous concerne, à la CGT, notre solidarité avec les travailleurs grecs, nous la manifesterons en nous donnant les moyens d’une mobilisation résolue contre la politique d’austérité et de régression sociale mise en œuvre par le gouvernement Hollande-Valls, l’ANI, le pacte de responsabilité et la loi Macron. La bataille entamée par les travailleurs grecs contre la bande des trois (troïka) ne pourra être remportée qu’en convergence avec le soulèvement de tous les travailleurs de l’UE contre la camisole austéritaire qui les enserre depuis plus d’une décennie.

Lutter contre la politique d’austérité partout dans notre pays et exiger de notre gouvernement qu’il accepte de desserrer l’étreinte qui pèse sur les pays endettés en accédant immédiatement aux demandes du peuple grec, c’est aider le peuple grec et tous les peuples asservis à l’austérité pour que leur dignité et leur capacité à maîtriser leur propre destin soient rétablis.

Il faut en finir avec l’austérité,
la concurrence et la protection de la finance et du capital.
Les services publics, la solidarité et les peuples d’abord !