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mardi 20 juin 2017

Menaces contre l’Université et la laïcité

On assiste depuis plusieurs années à une montée en force des tenants de l’abandon du principe de monopole des universités pour la collation des grades. Le dernier quinquennat a poussé très loin le zèle vers la privatisation des universités. L’Église catholique a très vite compris l’avantage qu’elle pouvait tirer de la politique gouvernementale depuis deux décennies.

Cela a commencé en décembre 2008 avec Bernard Kouchner qui fut l’artisan d’un accord France/Vatican pour la reconnaissance des diplômes universitaires catholiques.
La loi LRU-Fioraso de juillet 2013 va aller encore plus loin dans l’atteinte au principe du monopole de la collation des grades. L’arrêté d’application de cette loi du 20 juin 2014 crée une nouvelle structure : les établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général (EESPIG). On peut lire dans cet arrêté :

« L’établissement d’enseignement supérieur privé ayant obtenu la qualification d’intérêt général la mentionne dans sa publicité conformément à l’article L. 731-19 et identifie clairement les filières de formation conduisant à des diplômes conférant un grade universitaire ou visés par l’Etat. (…) L’objectif est de mieux valoriser les établissements qui répondent à des missions d’intérêt général et partagent certaines valeurs ».

De quelles valeurs s’agit-il ?

Le texte est plus que laconique concernant celles-ci, par contre pas de doute sur l’identification des établissements : pour l’essentiel sont visés des établissements catholiques du réseau d’établissements privés associant trois structures d’obédiences religieuses : l’UDESCA (Union des établissements d’enseignement supérieur catholique), la FESIC (Fédération des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt collectif et l’UNFL (Union des nouvelles facultés libres).

Depuis 1973, l’UDESCA rassemble les cinq établissements d’enseignement supérieur sans but lucratif que le Saint-Siège qualifie d’universités catholiques, mais que la République ne connaît que sous le nom de fédération universitaire catholique (Lille) et d’instituts catholiques composés de facultés libres et qui sont communément appelés « les Cathos ». Ils sont situés à Angers, Lille, Lyon, Paris et Toulouse.
Le président de l’UDESCA n’est autre que le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, lequel déploie tous ses efforts afin que l’Église puisse créer ses propres établissements d’enseignement supérieur.

La Fédération des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt collectif (FESIC), est une association qui réunit 25 établissements et 57 campus, en France et à l’étranger, labellisés établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général (EESPIG) par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

En octobre 2004, six établissements (IRCOM, IPC, ICR, ICES, Faco, FLEPES et Cephi*) ont décidé de s’unir pour travailler les questions relatives à l’avenir de l’enseignement supérieur libre. Cette union, association déclarée loi 1901, a pris le nom d’Union des nouvelles facultés libres (UNFL). Elle est composée exclusivement d’établissements universitaires associatifs.
Plusieurs arrêtés ont été publiés établissant la liste des établissements privés qualifiés d’intérêt général. On peut lire dans le BOENESR n°19 du 12 mai 2016 l’acte donnant la liste des établissements EESPIG. On y trouve notamment l’institut protestant de théologie (IPT), l’université catholique de Lyon (UCLy), l’école catholique des arts et métiers de Lyon (Ecam) ou encore l’institut catholique de Toulouse (ICT).

Ainsi, le centre universitaire Guilhem de Gellone (Montpellier) et la faculté libre de droit de l’institut catholique de Toulouse proposeront, dès septembre 2017, une première année de Licence en droit. À l’issue de trois ans de formation, les étudiant·e·s obtiendront leur Licence en Droit (diplôme d’État). Frais d’inscription : 81 € pour tous ! L’affichage se veut social… Mais ensuite on découvre dans la plaquette de présentation que le supplément pour les frais de scolarité est calculé en fonction du revenu des parents : 4 855 € pour les familles les plus modestes ! Cette nouvelle formation est mise en place avec la complicité de l’université de Toulouse 1 dans le cadre d’une convention qui permettra la reconnaissance des diplômes délivrés.

L’objectif recherché depuis 2008 apparaît de plus en plus évident : permettre à l’Église catholique, notamment, de reprendre pied dans les universités d’où elle avait été chassée par la Révolution française.

Le Vatican l’énonce clairement dès 1994 : «  Il est nécessaire que toute la communauté chrétienne prenne conscience de sa responsabilité pastorale et missionnaire vis-à-vis du milieu universitaire  » indique une note de la hiérarchie catholique de 1994 intitulée : « La présence de l’Église dans l’université et dans la culture universitaire ». Cet écrit rappelle que l’Église est «  dépositaire de la vérité révélée sur Dieu et sur l’homme par le Christ  », et propose une série de mesures détaillées parmi lesquelles « un travail pastoral orienté vers les recteurs d’Universités et les professeurs de facultés, dont le milieu est souvent dominé par des préoccupations technico-professionnelles ».

L’émergence des ComUE (communauté d’universités) et des fusions d’universités imposées par la ministre de l’ESR, Geneviève Fioraso, ont permis à des institutions privées qui avaient le titre d’« enseignement supérieur » sans pouvoir pour autant délivrer de diplôme de s’agréger dans ces nouvelles structures. La loi LRU-Fioraso a ouvert la voie à ce mécanisme ; on a pu voir ainsi un prêtre et théologien de la « faculté théologique catholique » devenir en toute légalité Président de l’université de Strasbourg, le 13 décembre 2016 ! Les regroupements d’universités ont permis à des entités auparavant dépourvues du titre d’université, d’être désormais associées à la gestion de la ComUE qui, université elle-même (les ComUE sont des EPSCP comme les universités) sont dépositaires de la collation des titres et des grades.

Le quinquennat Hollande a ainsi ouvert une perspective d’offre de formation à des diplômes d’institutions catholiques, aux frais d’inscription qui n’ont rien à envier au système en vigueur aux USA et où la précarité des personnels s’élève à la hauteur de 60% ! À terme, il s’agit de la mise en œuvre d’un véritable projet de privatisation avec l’aide d’un allié revanchard de poids : l’Église catholique. Cela commence par une offre de formation partagée entre le privé et le public comme on peut la voir se produire dans le cadre de la réforme de la sélection à l’entrée des diplômes de masters. Cette réforme votée par le Parlement en décembre 2016 donne la possibilité aux établissements d’interdire à un étudiant de se présenter à la filière de son choix ; le rectorat lui fait alors trois propositions alternatives. Selon le site dédié trouvermonmaster.gouv.fr, les diplômes dispensés par les instituts catholiques ne font pas partie de ces propositions. On peut cependant craindre que sous le mandat Macron soit votée une modification de la loi de 1880 qui permettrait aux instituts catholiques et privés d’accueillir les étudiants refoulés des filières publiques.

Les réponses du porte-parole du candidat Macron lors des présidentielles aux 3 questions de l’UDESCA laissent envisager la possibilité d’un tel scénario :

  •  « Les demandes exprimées par l’UDESCA apparaissent en adéquation avec les propositions de M. Macron dans son programme : il considère que la mission de service public de l’enseignement supérieur peut être portée par une diversité d’acteurs publics et privés, particulièrement par les établissements à but non lucratif – établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général (EESPIG) – tels que ceux représentés par l’UDESCA ; Sans s’engager à ce stade sur des données budgétaires précises, Monsieur Macron est d’accord sur le principe d’un financement à l’étudiant, dans une logique contractuelle ;
  • Monsieur Macron est d’accord pour déverrouiller les multiples freins qui brident l’action des établissements de l’UDESCA, en particulier sur la possibilité d’accréditer ses établissements pour la durée de leur contrat, leur permettant de délivrer les diplômes auxquels ils préparent dès lors que l’évaluation de ces formations par le HCERES est positive ;
  • Monsieur Macron est d’accord pour laisser aux établissements de l’UDESCA une capacité d’initiative dans l’ouverture de filières nouvelles, de formations diplômantes, dès lors qu’elles sont socialement utiles et complémentaires de l’offre existante.

Monsieur Macron souhaite que tous les établissements de l’enseignement supérieur et leurs étudiants soient traités avec équité. Il accepte le principe d’une concurrence positive, véritable stimulus pour l’université publique. Il retient le principe de faire confiance a priori aux établissements du type de ceux représentés par l’UDESCA, en n’imposant que des contrôles a posteriori. »

La CGT FERC Sup dénonce la poursuite toujours plus en avant des finalités de la loi LRU-Fioraso laquelle conduit à la liquidation de l’enseignement supérieur et de la recherche, à la fusion des universités, à la régionalisation de l’ESR et à l’abandon progressif des diplômes nationaux ainsi qu’à l’émergence de nouvelles offres de formation assurées par les établissements privés.

Aussi la CGT FERC Sup exige l’abrogation de la loi LRU-Fioraso ainsi que l’abrogation du décret n° 2009-427 du 16 avril 2009 portant publication de l’accord entre la République française et le Saint-Siège sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l’enseignement supérieur signé à Paris le 18 décembre 2008.

La CGT FERC Sup condamne les accords survenus entre des établissements d’enseignement supérieur public et les instituts catholiques pour la création de nouveaux diplômes privés comme c’est le cas entre l’université Toulouse 1 et les centres de formation catholiques de Montpellier et Toulouse pour la création d’une nouvelle licence de droit.

La CGT FERC Sup demande que l’université Toulouse 1, établissement public, annule cet accord qui, en servant ses propres intérêts financiers, organise une concurrence directe entre des instituts privés et l’université publique à Montpellier.

Montreuil, 20 juin 2017