"Pour un Service public national d'Enseignement supérieur et de Recherche laïque, démocratique et émancipateur"

Menu ☰

Accueil > Syndicats > Île de France > Université Cergy-Pontoise

vendredi 4 mai 2018

PAge web de la CGT FERC Sup université de Cergy

Réponse au discours du président de l’université de Cergy-Pontoise lors de la venue de la ministre


Chères et chers collègues,

Voici un courrier de la CGT FERC-SUP de l’UCP en réponse au discours prononcé par François Germinet lors de la venue de la Ministre Frédérique Vidal.

Monsieur le Président,

Parce que vous avez prétendu vous exprimer « au nom de toute notre communauté », nous souhaitons réagir et exprimer, à notre tour, notre profond désaccord sur le fond de votre discours concernant la loi ORE ainsi que l’indignation provoquée par vos propos concernant ce que vous nommez « les communautés universitaires qui vivent des moments difficiles ».

Vous évoquez « une pensée solidaire » avec ces « communautés » qui seraient victimes de « mouvements violents orchestrés de l’extérieur par des communautés d’ultra gauche qui sont dans une macabre logique anarchiste. La preuve le rassemblement appelé à Nanterre demain : 13h12, ACAB, convergence des luttes ».

Ces termes relèvent davantage du langage d’un ministre de l’intérieur que d’un président d’Université. En effet, une chose est l’expression légitime de votre désaccord, une autre la calomnie. Or, en mentionnant « la macabre logique anarchiste », vous ne vous contentez pas d’exprimer un point de vue. Vous discréditez, en termes particulièrement violents et déplacés, des mouvements qui traduisent l’inquiétude profonde et légitime que suscite la loi ORE dont Parcours sup constitue une pièce maîtresse.
En quoi cette inquiétude est-elle macabre ? Macabre est plutôt la loi qui vise à « trier » les étudiant.e.s. En outre, l’idée que ces mouvements viendraient de l’extérieur et que, par conséquent, les étudiant.es seraient « manipulés » dénote une vision quelque peu méprisante de ces dernièr.e.s.

Vous mentionnez « la dégradation des espaces avec une étape supplémentaire franchie à Montpellier 3 et le saccage des serveurs informatiques » mais vous passez totalement sous silence les horreurs commises à la Faculté de droit de Montpellier par des milices d’extrême droite (et non de « l’ultra gauche ») passées sur les corps et le corps étudiant.e.s. C’est pourquoi, l’évocation implicite de Paul Ricoeur à travers votre référence à « l’éthique de la responsabilité » a de quoi laisser songeur, lui qui- tout en ayant conservé une posture institutionnelle- s’était précisément montré ouvert face à la contestation étudiante du printemps 1968.

Vous félicitez le gouvernement « de prendre le taureau par les cornes ». Ce taureau qu’est l’Université est pourtant loin d’être unanime dans l’adhésion à un dispositif adopté dans la précipitation, sans authentique concertation en amont avec les organisations syndicales et étudiantes.

A cet égard, nous vous rappelons que, dans son avis n° 393743 du 16 novembre 2017 sur le projet de loi, le Conseil d’Etat avait « appelé particulièrement l’attention du gouvernement sur le calendrier extrêmement tendu et contraint dans lequel doit être mise en oeuvre une réforme qui concernera plus de 600 000 nouveaux arrivants dès la rentrée universitaire 2018 et dont l’essentiel reste à construire dans des délais très brefs et, au plus tard, à la mi-mars 2018  ».

En effet, plusieurs UFR, CA, composantes ont réaffirmé, selon les termes employés dans la déclaration de l’équipe présidentielle à l’attention de la communauté universitaire de Lyon 2 en date du 12 avril 2018, "leur attachement au principe fondamental de libre accès à l’enseignement supérieur sans aucune forme de sélection".

De plus, c’est sur les universités que repose – à moyens constants ! – le poids du nouveau dispositif dans la mesure où il leur incombe de procéder à la sélection des demandes d’inscription (certaines filières « sous tension » d’une capacité d’accueil de 500 places se préparent à examiner environ 25 000 candidatures venant de toute la France sans classement des voeux ; vraisemblablement cette sélection se fera par algorithme via l’application Parcoursup, comme cela était déjà le cas pour certaines formations sélectives de licence via APB).

Comment penser en toute bonne foi que « les commissions d’examen des voeux » seront en mesure d’examiner sérieusement plusieurs milliers, voire dizaines de milliers, de candidatures, à moins de reconnaître qu’une charge de travail supplémentaire de très grande ampleur s’ajoutera aux tâches toujours plus nombreuses qui pèsent sur les équipes pédagogiques et administratives ?

Comment admettre qu’une « lettre de motivation », dont la teneur et la qualité dépendent, d’abord et avant tout, du capital culturel, social et relationnel de l’élève, puisse constituer un critère pertinent d’examen des candidatures ?

Pour toutes ces raisons, «  la macabre logique  » risque de s’abattre principalement sur les étudiant.es qui se retrouveront sans affectation à la rentrée faute de capacités d’accueil suffisantes et, par là-même, confrontés à une autre forme de « vraie vie ».

S’agissant enfin de « la diversification des possibilités offertes aux bacheliers » et de « l’excellence » à laquelle vous êtes tant attaché, l’UCP ne serait-elle pas sur le point de s’engager dans la voie d’une confusion entre « excellence » et capacités financières des familles des étudiant.es. Ainsi, sous couvert d’ « excellence », la CFVU a récemment adopté un « Bachelor Y « Modeling and Data Science for a changing world » dont les frais d’inscription s’élèveront à 10 000 euros par an !

C’est pourquoi, nous sommes convaincus que l’égalité des droits (et pas seulement des chances !) et le renforcement des dotations publiques demeurent les principaux outils pour garantir à chacune et à chacun l’accès au statut de « citoyen éclairé » et, par là même, l’exercice de sa pleine « citoyenneté ». L’un comme l’autre passent par la réaffirmation des principes constitutifs du service public de l’enseignement supérieur tels qu’ils sont énoncés à l’article L. 141-6 du Code de l’éducation : « Le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l’objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l’enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique ».

Aussi, nous nous reconnaissons pleinement et nous associons à la déclaration de l’équipe présidentielle à l’attention de la communauté universitaire Lyon 2 en date du 12 avril 2018, réaffirmant « leur attachement au principe fondamental de libre accès à l’enseignement supérieur sans aucune forme de sélection ».

Veuillez-croire, Monsieur le Président, à l’expression de nos salutations respectueuses.