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Menu ☰Accueil > Les dossiers > Enseignement supérieur > Formation des enseignants : la Cour des comptes et les ministres Blanquer (...)
Les Écoles Supérieures du Professorat et de l’Éducation (ÉSPÉ, mises en place en 2013, suite à la disparition des IUFM) assurent la formation des enseignant.e.s et des conseiller.ère.s principaux.ales d’éducation (les CPE). Les ÉSPÉ sont largement sous dotées financièrement et les personnels, les étudiants et les stagiaires subissent des conditions d’études et de travail très difficiles. Le rapport de la Cour des comptes (CDC) et les ministres annoncent la volonté de commencer la curée…
4 juin 2018 : la Cour des comptes vient enfin de rendre public son rapport du 12 mars 2018 sur « la mise en place des ÉSPÉ », rapport remis au ministre de l’Éducation Nationale (MEN) et à la ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI). Les deux ministres ont immédiatement répondu. Ces annonces ont sans doute été différées à cause du climat social, afin d’attendre la fin d’année.
Ce rapport à charge confirme malheureusement les alertes lancées par la CGT dès le mois de février 2018 et dessine assez nettement le profil des attaques imminentes à l’encontre de ce qui reste encore debout dans la formation des enseignant.e.s et des CPE de l’enseignement public.
Comme souvent, la Cour des comptes a pour préoccupation première la réduction des coûts et l’application d’une certaine politique. Le rapport estime à 1,1 milliard d’€ le coût de la formation des enseignant.e.s et préconise une réduction de ce coût en proposant une série de mesures réunies par un même objectif : que le ministère de l’Éducation nationale (l’employeur) reprenne la main sur les ÉSPÉ, au détriment du pouvoir de l’Université (le formateur principal). C’est le sens de l’axe 1 du rapport : « RENFORCER LE PILOTAGE DE L’ÉTAT FACE AUX UNIVERSITÉS ».
Ainsi, après avoir confié le dossier de la formation des maîtres à un enseignement supérieur public éclaté en universités néolibéralisées (c’est-à-dire animées par la concurrence, l’élitisme, le management par la pression accrue et le culte de « l’excellence », la compression budgétaire, etc.), le pouvoir peut désormais prendre prétexte des dégâts humains, pédagogiques, matériels et budgétaires des dernières années pour reprendre la main, récupérer la maîtrise des débris de la formation et des ÉSPÉ et porter le coup de grâce en lançant pêle-mêle des idées telles que :
Du coup, on voit bien que les 6 propositions du rapport vont dans le même sens :
Au global, ces recommandations, qui comportent çà et là quelques remarques acceptables, signifient surtout que la curée est ouverte sur les ÉSPÉ actuelles. Les nouvelles ÉSPÉ n’auront plus grand-chose d’« universitaire ». C’est l’employeur, le ministère de l’Éducation nationale, qui contrôlera tout et décidera de tout, sans se soucier de la liberté pédagogique des enseignant.e.s et des pratiques critiques et réflexives permises par les libertés académiques et la recherche. D’ailleurs, alors que la rhétorique ministérielle serine depuis plusieurs années la ritournelle du « rôle majeur » des ÉSPÉ dans la recherche éducative et de « l’adossement des masters à la recherche », cet aspect est totalement absent du rapport. Cela montre bien que les ÉSPÉ sont appelés à devenir une simple annexe des rectorats, des IPR et des IEN, avec un rôle essentiellement « certificatif » et de « suivi des jeunes collègues », recouvert par un vernis universitaire (quelques cours magistraux…). C’est une nouvelle fois une formation au rabais qui est envisagée, ce qui est à relier avec le projet plus global de démolition du statut de la fonction publique avec la généralisation de l’embauche de contractuels...
Les deux ministres s’appuient sur le rapport pour développer une argumentation sur plusieurs axes :
1) L’autosatisfaction et la solidarité avec l’étape précédente de la politique imposée à la formation des maîtres. Ils dressent un bilan enthousiaste, ce qui est hallucinant quand on connaît les dégâts provoqués dans les ÉSPÉ et la montée en puissance de la souffrance professionnelle des stagiaires et des personnels (attestée par les CHSCT). Mais ni la CDC ni les ministres ne parlent des personnels et n’intègrent les CHSCT dans leur bilan.
2) La confirmation du rôle moteur de la région académique pour « piloter l’offre de formation ». Il y a de quoi s’inquiéter pour les sites départementaux, les disciplines à faible effectif, etc. Les ministres valorisent une « réflexion sur la cartographie économique des ÉSPÉ », afin de permettre notamment des « formats pédagogiques innovants » (la fin du présentiel, autrement dit…).
3) L’accentuation d’une individualisation du suivi/contrôle des stagiaires centrée sur les « compétences », par exemple avec un « radar d’acquisition et de performance » (sic !) et avec des dispositifs « d’auto-positionnement » dans lesquels on reconnaît le management par compétences et responsabilisation négative des individus.
4) Le rappel du rôle important de la hiérarchie (les inspecteurs), qui est abondamment décrit par le ministre. Par contre le travail des pairs (les formateurs de terrain) et celui des universitaires est passé sous silence. Il y a là toute une conception de la formation comme formatage initial.
5) L’éloge du précariat, avec l’exemple des divers contractuels au sein de « parcours d’apprentissage du métier en alternance, dès la première année de master MEEF ». C’est l’annonce que les admissibles aux concours auront « droit » à un contrat (à la place d’un recrutement) et seront encore plus qu’aujourd’hui la force d’appoint du ministère pour réduire les postes de fonctionnaires. Pendant les deux ans du Master, l’alternance (donc le fait que les étudiants soient en responsabilité à mi-temps) se ferait sous un statut de contractuel, comme c’est déjà le cas à Créteil pour le M1.
6) L’éloge de la polyvalence des enseignants, qu’il faudrait développer en n’enfermant pas les étudiant.e.s dans des « parcours tubulaires » (sic).
7) L’annonce d’une nouvelle modification de la place des concours, avec « une épreuve d’admissibilité en fin de licence et d’une épreuve d’admission située en M1 ou en M2 ». Toutefois les ministres confessent que cela ne pourra pas être opérationnel avant 2020. En fait, la première logique des ministères étant de faire des coupes budgétaires, le MEN ferait le choix de l’admission en fin de M2, comme le craignait la CGT FERC Sup dès février. Cela permettrait de supprimer d’un trait de plume 25 000 postes de fonctionnaires stagiaires : c’est le volume des suppressions de postes prévues pour l’Éducation nationale...
Tout cela s’inscrit dans le cadre de la feuille de route Action publique 2022. C’est bien le statut des enseignants fonctionnaires qui est visé. Il va d’ailleurs commencer à exploser dès l’année prochaine (comme celui de tous les fonctionnaires) avec la casse du système de pension, qui est justement un des pans importants du statut.
La CGT revendique la construction d’un continuum de formation sur 5 ans :
La CGT revendique de véritables temps de formation et d’accompagnement, ce qui exclut que les stagiaires soient en responsabilité à mi-temps. La prise de responsabilité doit se faire de manière progressive et sécurisée.