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mercredi 22 février 2006

ADRESSE AUX PARLEMENTAIRES, POUR UNE AUTRE LOI POUR LA RECHERCHE

Au cours des deux dernières années, à l’issue d’un grand débat
national et des Etats généraux de Grenoble, la communauté
scientifique a fait des propositions cohérentes pour réformer le
système français de recherche. Dans la foulée de leur
participation aux Etats Généraux, les organisations syndicales
ont rendu public en juin 2005 un important mémorandum
rassemblant les principales revendications des syndicats
signataires. Il devrait servir de base pour une nouvelle loi.

Depuis deux ans, le gouvernement fait tout pour escamoter le
débat sur la loi recherche tout en mettant en place, en dehors du
cadre législatif, une grande partie des leviers essentiels de sa
réforme autoritaire et libérale de la recherche : Agence nationale
de la recherche, Campus de recherche, Agence de l’innovation
industrielle, Pôles de compétitivité, PRES... Il présentera à
l’Assemblée nationale le 28 février 2006, un projet de loi qui les
légalisera.

Si ce projet était adopté, ce serait un bouleversement pour la
recherche et de l’enseignement supérieur : complexification,
marginalisation des organismes et de certaines universités,
politique de « projet » favorisant les objectifs de rentabilité
immédiate, précarisation des emplois. Ils en sortiraient
encore plus fragilisés. Cela aurait des conséquences directes sur
les conditions de travail des personnels et des étudiants.

Les organisations soussignées s’adressent à vous pour vous
demander d’être les porteurs dans le débat parlementaire qui
s’ouvrira, en principe, le 28 février, d’un autre projet de loi qui
prenne en compte quatre mesures essentielles.

- 1/ Garantir des perspectives immédiates et à long terme
pour la recherche publique.

La loi initiale devait être une loi de programmation portant sur le
long terme, mais le « pacte » ne s’engage pas au-delà de 2006.
Le budget de la recherche publique risque donc fort d’être au
mieux en stagnation dans les cinq ans à venir.

En 2010, la dépense intérieure de recherche, publique et privée,
ne représenterait que 2% du PIB alors que le gouvernement,
manipulant les chiffres, avance une augmentation supérieure.

Pour mettre réellement notre pays en capacité d’atteindre les 3%
du PIB, il faut une politique ambitieuse de créations d’emplois
scientifiques de titulaires.

Première mesure :

Nous demandons que les moyens de la
recherche passe non pas par le développement d’une ANR
surdimensionnée, mais par l’augmentation immédiate des crédits
de base des laboratoires, articulée à celle de l’investissement
des entreprises dans la recherche. Les établissements publics
de recherche doivent conserver les moyens de leur autonomie ;
les missions de l’ANR devant être limités par la loi. Nous
demandons une programmation de la création d’emplois de
titulaires pour offrir à tous les personnels relevant de l’emploi
scientifique, technique et administratif des perspectives de
carrières gratifiantes pour celles et ceux qui s’investissent dans
ces métiers difficiles.

- 2/ Donner confiance aux jeunes chercheurs, à tous les
personnels scientifiques, techniques, administratifs.

Le profond malaise des jeunes chercheurs est un symptôme
majeur de la crise de la recherche. Les projets gouvernementaux
l’attisent : avenir professionnel incertain pour les doctorants et
les « post-docs », conditions de travail dégradées pour tous par
une compétition bien éloignée de l’éthique scientifique de
coopération, multiplication du travail sans statut.

Le « Pacte » n’apporte aucune réponse, au contraire. Le
gouvernement n’offre comme perspective aux jeunes chercheurs
que la précarité tout comme le contrat de première embauche
pour toute la jeunesse. Il augmenterait aussi la précarisation des
emplois, déjà très importante. D’ores et déjà, l’agence nationale
pour la recherche, selon les estimations de son président,
générera de l’ordre de 3000 CDD sur fonds publics.

A l’instar de son rejet des revendications salariales des
fonctionnaires le gouvernement refuse de revaloriser
significativement les carrières de la recherche et de
l’enseignement supérieur. II refuse de même de financer
largement les thèses. Il ne prévoit aucune augmentation du
montant réel des allocations de recherche. Par ailleurs, il
n’envisage aucune mesure pour protéger les doctorants, garantir
la propriété intellectuelle de leurs travaux, limiter le nombre de
doctorants par encadrant et donner une valeur normative à la
charte des thèses.

D’une manière générale, les carrières de la recherche et de
l’enseignement supérieur manquent d’attractivité.

Deuxième mesure :

Nous demandons une augmentation du
nombre et du montant des allocations de recherche. Nous
demandons une revalorisation de l’emploi scientifique technique
et administratif, des rémunérations et de la grille sur la base de la
reconnaissance des qualifications. Le droit pour les jeunes docteurs d’exercer une activité d’enseignement et, pour cela, que la règle des 900 heures ne leur soit pas appliqué.

- 3/ Développer la recherche dans l’enseignement supérieur.

La priorité donnée aux financements sur projets par le
« Pacte », ajoutée au développement des « Campus »
(rebaptisés « Réseaux thématiques de recherche
avancée », RTRA) qui concentreraient les crédits et les
emplois, mettrait en concurrence les laboratoires et
poussera les chercheurs et les enseignants-chercheurs
à la course aux financements. A terme, les laboratoires
et les universités hors PRES et Campus seraient
asphyxiés financièrement.

Les PRES et autres RTRA, articulés aux pôles de
compétitivité, conçus sur ce modèle concurrentiel,
feraient le tri, au nom des priorités, entre les
personnels, les projets. Ils deviendraient des éléments
structurants d’une recherche à plusieurs vitesses. Les
PRES ainsi conçus aggraveraient la concurrence entre
universités pour obtenir des financements. Les petites
universités, fragilisées, risquent d’être mises à l’écart
de ces pôles d’excellence et des formations se
trouveraient remises en cause.

Les diplômes nationaux seraient en concurrence avec
des diplômes d’établissements privés qui trouveraient
dans les PRES la caution scientifique que ne leur
permet pas leur potentiel de recherche. L’articulation
entre la recherche et l’enseignement n’est abordée que
pour les masters et le doctorat. Le master et le doctorat
seraient ainsi appelés à devenir des formations d’élite
réservées à une minorité de privilégiés. C’est la
sélection à l’entrée du master qui se profile. La licence
est ainsi vue comme une simple offre de proximité

Troisième mesure :

Nous demandons la constitution de
PRES permettant la coopération entre universités et
organismes de recherche (EPST et EPIC), entre
laboratoires et équipes grâce à des structures
scientifiques favorisant l’interdisciplinarité et le lien
entre la recherche et l’enseignement dans tous les
cycles dans tous les cycles.

Pour développer l’activité de recherche dans toutes les
universités, nous demandons la création de très
nombreux postes d’enseignants-chercheurs, de
techniciens et d’administratifs, avec le maintien de
toutes les missions dans le cadre du service public
national, la réduction à un demi-service
d’enseignement pour les enseignants-chercheurs
nouvellement nommés, la réduction progressive du
temps d’enseignement dans le service des
enseignants-chercheurs, la prise en compte de tous les
actes pédagogiques dans les services.

- 4. Garantir une évaluation équitable des
personnes, des unités et des projets.

Il faut s’inspirer de ce qui fonctionne déjà plutôt que de
prétendre décréter, d’en haut la qualité.

Les instances supérieures d’évaluation de la recherche
prévues par le « pacte » seraient constituées
essentiellement par des nominations par le pouvoir
politique, à l’opposé d’un mode de désignation bimodal
(élus et nommés) qui est plus équitable eu égard à la
nécessaire « indépendance » de l’évaluation et qui
garantit la transparence. De plus, elles dissocieraient
l’évaluation des laboratoires, des équipes, des unités
de celle des personnels qui les composent.

De nouveaux critères d’évaluation des enseignants-
chercheurs sont déjà à l’oeuvre. Le ministère s’en sert
déjà pour refuser de labelliser certains labos ou réduire
leur dotation de base ; il force au regroupement de
laboratoires au sein des établissements et sur une
base géographique arbitraire sans tenir compte des
thématiques de recherche.

Quatrième mesure :

Nous demandons que les
évaluations des personnes et des structures soient
articulées et qu’elles continuent de relever des
instances d’évaluation existantes : CoNRS, CNU,
instances d’évaluation des autres EPST. Ces instances
doivent rester composées majoritairement d’élus.
L’évaluation des ingénieurs et des techniciens doit se
faire sur la base de la reconnaissance de la
qualification exercée et non sur des contrats
d’objectifs. Pour les EPIC nous demandons la mise en
place de systèmes d’évaluation et de promotions
collégiales et paritaires.

Pour l’heure, le gouvernement reste sourd aux
demandes de la communauté scientifique et de ses
acteurs que nous, soussignés, nous représentons. Il
n’a tenu aucun compte des avis souvent convergents
du Conseil économique et social, du Conseil supérieur
de la recherche et de la technologie, de la Conférence
permanente du Conseil national des universités, de la
Conférence des présidents du Comité national de la
recherche scientifique, du Comité national de
l’enseignement supérieur et de la recherche.

Aujourd’hui, nous appelons l’ensemble des
parlementaires au sursaut démocratique : Nous vous
demandons d’ouvrir un véritable débat avec tous les
acteurs concernés sur ce sujet essentiel pour l’avenir
du pays. C’est parce que nous voulons une tout autre
loi que nous vous demandons de refuser le projet en
l’état.

Nous vous demandons de nous entendre et de porter
nos demandes comme c’est la mission des
représentants du peuple.

Organisations syndicales signataires : UNEF, SNCS-FSU, SNESUP-FSU, SNASUB-FSU, SNTRS-CGT, FERC-Sup-CGT, CGT-CIRAD, CGT-IFREMER, STREM-SGEN-CFDT, Sup’Recherche-UNSA, A&I-UNSA et SNPTES-
UNSA...