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mardi 24 octobre 2023

Santé au travail et environnement : vers la construction d’une démarche syndicale

Jean-Marc Nicolas
CGT FERC Sup syndicat Université de Lille

Lors d’un atelier organisé dans le cadre d’une formation syndicale FERC (niveau 2 travail/ santé à Courcelles en février 2023) autour d’une intervention d’Alexis Cukier, philosophe et syndiqué à la CGT FERC Sup, un groupe de stagiaires a travaillé à la construction d’une démarche syndicale dans nos secteurs d’activité associant santé au travail et environnement.

« La santé au travail est un principe fondateur et offensif de l’action syndicale » (Alexis Cukier, Courcelle / Yvette, 27 février 2023). A ce titre, les préoccupations liées aux conditions de travail et le combat pour conserver et améliorer l’environnement ne peuvent être détachés de l’action syndicale. Ainsi, agir avec les travailleur·ses au plus près du réel du travail doit nous conduire à élargir la démarche syndicale aux questions environnementales, avec le relai des usager·es et des citoyen·nes, en partant du travail (enjeu local) pour mieux poser la question environnementale (enjeu global). La situation de l’ambiance thermique au travail, dans les universités comme ailleurs, va nous permettre d’illustrer ce propos.

Des locaux glacials en hiver et caniculaires en été

Lors des tournées de bureaux et d’ateliers, l’ambiance thermique est un des sujets qui revient le plus souvent : tant nos ateliers et bureaux sont souvent glacials en hiver et caniculaires en été. Sans surprise : plus de 50 % des bâtiments de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) sont des passoires thermiques, avec des systèmes de chauffage vieillissants ou défaillants, sans stores ni volets [1]… Faute de réponses de l’employeur, c’est le royaume de la débrouille pour les collègues : chauffages d’appoint énergivores, ventilateurs bon marché mais dangereux, exaspération garantie à tous les étages ! L’accélération du changement climatique ces dernières années, avec plusieurs phases caniculaires de mai à septembre dont certaines avec des pics de température à l’ombre dépassant les 40°, jusqu’à 50°C dans les locaux, le phénomène devient critique voire dangereux, sans que l’employeur ne prenne la mesure du risque.

© Alexandre Korber

La guerre en Ukraine comme déclencheur

Finalement, ce ne sera ni la sueur, ni les rhumes des travailleur·ses qui réveilleront nos employeurs, mais un évènement international tragique, externe et conjoncturel : le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022 ainsi que sa conséquence directe, l’accélération brutale de la crise énergétique et la prévision de factures de chauffages stratosphériques ! Du jour au lendemain, plus de chauffage d’appoint énergivore, mais des mitaines et des laines polaires, parfois fournies par l’employeur dans sa grande générosité ! Ces réponses tragiquement dérisoires sont d’autant moins acceptables que les enjeux de fond ne sont jamais abordés.

Des solutions, il y en a !

Pourtant, le respect des règles bio- climatiques lors de la mise en œuvre de rénovations complètes ou de la conception de nouveaux bâtiments permettrait d’améliorer énormément les conditions de travail et d’étude, de réaliser d’énormes économies sur les factures énergétiques, et de diminuer ainsi les émissions carbone de la France. Ce chantier pourrait utilement s’articuler avec la diminution du temps de travail et l’augmentation des amplitudes horaires, laissant aux collègues la liberté d’ajuster leur prise de service. Ces premières initiatives initieraient un cercle vertueux. Car retrouver de bonnes conditions de travail liées à une ambiance thermique satisfaisante, hiver comme été, avec une qualité de l’air contrôlée et garantie, la fourniture d’eau fraîche via des fontaines, la mise en place d’espaces de convivialité, redonnerait de la confiance aux travailleur·ses comme aux étudiant·es. Cette marque de respect de leur dignité diminuerait les conflits et améliorerait leur bien-être.

Les leviers d’action syndicaux existent et pourraient être mobilisés, localement et à l’échelle du ministère. Une campagne de presse sur l’état désastreux du patrimoine de l’ESR, avec nos syndicats en appui (photos, témoignages, inscriptions aux registres SST (Santé, Sécurité au Travail), DGI (Danger Grave et imminent)…) pourrait peser sur le ministère et préparer les contacts avec les organisations d’étudiant·es et les citoyen·nes. Un travail de dimensionnement (surfaces, bilans énergétiques, bilans carbone) compléterait le dossier de presse et pourrait être relayé par nos élu·es aux sein des CA d’abord, au sein des Instances représentatives du personnel (IRP) ensuite. Dès maintenant, les plans de rénovation ou de construction soumis à la FS-SSCT (obligation légale) doivent être analysés à la lumière de ces enjeux environnementaux. Enfin, la bifurcation écologique d’une partie de l’enseignement supérieur pourrait venir appuyer le travail en direction des usagers et de l’opinion publique.

Cette amorce de démarche syndicale en lien avec une campagne revendicative vise à illustrer la portée écologique essentielle de l’action syndicale, à la fois sur le réel du travail, mais également en diminuant massivement les émissions de CO2 des bâtiments de l’ESR, le second patrimoine de l’État. Cela sans oublier d’autres démarches de même nature, que ce soit pour la restauration des étudiant·es et des personnels (produits bio, circuits courts, plats cuisinés sur place, …), les grands équipements de recherche (processus plus économes, récupération d’énergie) ou encore l’aménagement des campus (énergies renouvelables, géothermie, sources froides, maisons des personnels, etc.). Cet élargissement de nos moyens d’action permettrait d’attirer de nouveaux collègues vers l’action syndicale et participer ainsi à l’indispensable renforcement de la CGT.


[1Rapport préparatoire à la LPPR, GT1, Financement de la Recherche, Antoine Petit, Sylvie Retailleau, Cédric Villani, septembre 2019, p26